JEAN-CLAUDE RENARD EST MORT
C’était un homme plutôt petit mais un ami très grand. Il connaissait Marie-Édith depuis les bancs de la Sorbonne, il y a près de quarante ans. Nous nous sommes tout de suite très bien entendus. C’est grâce à lui que j’ai publié mon premier livre, en 2003. Il avait plaidé ma cause auprès de l’éditrice. Il avait une bonne longueur d’avance sur moi en matière d’édition. Ça ne l’empêchait pas de me demander mon avis sur ses manuscrits. Et réciproquement. Il aimait les phrases courtes, musclées, nominales. Il aimait Céline, à qui il avait consacré une thèse. « Casse ta phrase ! » était sa critique récurrente à mon égard — toujours sur le ton du conseil, jamais de l’imprécation. J’avais eu un peu de mal, au début, moi qui aime les phrases longues, mais j’y pense chaque fois que je suis en phase d’écriture. C’est aussi grâce à lui que j’ai publié quelques chroniques dans Politis. Depuis quelques années, il avait des gros problèmes de santé, d’addiction à l’alcool. Sa vie personnelle était chamboulée. Il se sentait probablement perdu, en dépit de la naissance de son fils il y a trois ans. Il craignait d’être pris au piège d’une maladie incurable. C’est finalement le cœur qui a lâché. Il avait 57 ans.
Adieu mon vieux Fox, dis-leur bien à tous les mauvais écrivains qui peuplent le purgatoire des lettres de bien casser leur phrase, qu’au moins tu n’aies pas cassé ta pipe pour rien !