Tartes postales (5)
par Alain Ade
Août 1971. Cathy m’envoie cette carte de Grèce. Nous venons de finir la seconde au lycée Jeanne d’Arc de Rouen. Elle en pince pour moi. Ce n’est pas réciproque. Je suis amoureux de Sylvie M. Laquelle m’envoie paître au téléphone en feignant de ne même pas savoir qui je suis. Alors que nous ne sommes qu’une vingtaine de garçons au milieu de quatre cents filles. Et que nous organisons, avec Jean-Michel D., Patty N., Clément C., des soirées poésie dont tout le monde parle. Ce n’est pas possible, elle n’a pas pu ne pas me voir traverser la cour avec ma guitare sur le dos ! Elle n’a pas pu ignorer nos séances de répétition, après les cours, dans le réfectoire, et leur vacarme fébrile ! Finalement, je sortirai à la rentrée suivante avec Francès M., une hypocagne de quatre ans mon aînée.
Nostalgie fugace. Baisers lointains. Regrets inutiles.
Belle preuve de l’évidente supériorité des cartes postales sur l’envoi de SMS. Pouvoir de remémoration intact, trace tangible, lien de carton entre le passé et le présent. Pour un Front de Réhabilitation de la Carte Postale comme Support Emotionnel !
Comme c’est joliment dit. C’est bien la raison d’être de Tartes postales : devenir le petit rai de lumière qui éclaire le grenier sombre de la mémoire.